René s’est réveillé en sursaut, cette nuit-là. La maison était plongée dans le silence : il savait que quelque chose clochait. Il est sorti dehors. Aucunes étoiles dans le ciel. Aucune lune. Au loin, mais assez près pour que l’écho se rende à ses oreilles, il a entendu. La collision.
Arrivé le premier sur les lieux, il avait déjà téléphoné au 911. L’adolescente à l’arrière pleurait sous le choc. Son cousin, assis près d’elle, était de glace.
Stéphanie s’est laissée sortir de l’habitacle comme si elle était faite en chiffon, en papier de soie. René l’a déposée le plus délicatement possible au sol, appuyée contre un arbre ; elle aurait pu tout voir, si seulement elle avait redressé la tête.
Olivier est sorti de la voiture lui-même, brusque, ne regardait personne, tapait du pied, aurait mordu si René lui avait adressé la parole. Le poids de la culpabilité comprimait ses épaules, sa colonne vertébrale frisait de l’intérieur. C’était sa faute.
Stéphanie a tenté de le couvrir du mieux qu’elle a pu, lorsque les policiers ont fini par arriver pour prendre l’état des faits et l’historique de l’accident. Olivier s’est contenté de grommeler des oui et des non lorsqu’on s’adressait à lui.
Lorsque René les a raccompagnés, la nuit avait laissé place à l’aube. À l’intérieur du chalet familial, on pouvait sentir remonter les parfums d’une soirée arrosée. Sur la table du salon, des bouteilles et des canettes vides. Des fonds de verres collants, des cigarettes enfouies dans leurs cendres. Des meubles déplacés, la télé en sourdine. De la poudre sur la table, des joints à demi roulés.
René avait toujours su.
Au loin, il avait vu Olivier mettre le corps inerte d’un inconnu frappé de plein fouet sur le siège avant. Orchestrer la scène, faire passer la victime pour le meurtrier. René avait vu Stéphanie, incapable de s’opposer à quoi que ce soit, dévastée, tremblante. Muette.
René n’avait rien dit, lui non plus. Une famille si gentille, si douce. Une pomme pourrie ne devait pas gâcher le reste.