Elles se retrouvent à l’entrée des bois bordant le chalet.
Justine a distribué les potins qu’elle devait émietter pour causer le chaos. Vanessa prend le temps d’éteindre sa cigarette avant d’essuyer sur son jeans ses mains tachées du sang de Jee.
« Il reste qui? »
« Oli, sûr. Guillaume aussi, je pense? »
Pendant que Vanessa s’occupait de Phil et de Jee, Justine a vu l’attaque de Stéphanie, puis le carnage sur Antoine. « Faudrait quand même checker la remise pour être sûres que Cath est bien morte. » elles ont le temps de retourner sur leurs pas sans problème. La nuit est presque terminée et elles ont eu plus d’aide qu’elles croyaient. C’est facile, quand tout le monde se déteste assez pour faire le sale travail à leur place.
Il est convenu qu’elles feront un détour pour s’assurer que la greluche de soeur de Phil ne faisait pas que crier au meurtre et que quelqu’un s’est occupé d’elle tout à l’heure. Vanessa parie que c’est Jee qui l’a fait. Justine fabule en espérant qu’Oli s’en soit chargé. Justine les a vus, se lancer des regards à la danse de fin d’année de secondaire quatre. Elle caresse sa vengeance depuis. Si au moins il l’avait trompée avec une fille.
« C’est plate, j’étais vraiment certaine qu’il me marierait au moins pour cacher les preuves. » Justine savait tout, à propos de la liaison d’Oli et d’Antoine. Elle comptait là-dessus pour pousser son petit ami à bout et le forcer à l’épouser d’ici l’été prochain. Lui faire un peu de chantage, menacer de tout dire à ses parents et surtout à ceux d’Antoine. Qu’Oli ait tué son amant gâche un peu le plan de base, mais Justine est créative et Vanessa n’a pas de pitié. Elles devraient arriver à s’arranger.
« Hey en passant, ta voix de crécelle tantôt, c’était un calvaire. » « Avoue, j’suis bonne en conne hen! » elles ricanent, sirotent une bouteille de champagne volée dans le frigo des parents. Si leurs calculs sont bons, Oli devrait être en train de se réveiller. Elles l’ont assommé puis attaché au lit familial le temps de faire leur petite ronde de validations. Cath est bel et bien hors d’état de nuire, elle et sa gorge tranchée au beau milieu de la remise. Elle fait toujours tout pour qu’on la remarque.
« Faudrait envoyer un panier de fruits au voisin, le remercier pour les cordes. » l’une boit au goulot, l’autre l’imite en riant. Oli pourrait les entendre arriver avant qu’elles ne montent le rejoindre. Tant mieux. Qu’il se demande un peu ce qui se passe.
« Vous êtes des ostis de folles. » Oli est donc réveillé.
Vanessa roule des yeux, s’installe confortablement au pied du lit, le regarde sans dire un mot, l’immortalise pour le temps qu’il lui reste avec son Polaroid. Justine s’approche lascivement. « À ta place je gâcherais pas mes chances de survivre avec des petites insultes de cour de récréation. » à sa gauche, Justine voit Vanessa se redresser. De base, elles devaient tuer Phil et Oli. Le fils de riche et le parfait gendre aux parfaits parents.
L’une enceinte de Phil l’autre fiancée d’Oli, elles s’assuraient ainsi une vie confortable offerte par les deux famille en deuil. Elles auraient fait croire à tout le monde qu’ils étaient morts à cause d’un ours ou d’une autre connerie vivant dans le bois. Les choses auraient finies par se tasser sans qu’on leur pose trop de questions.
Oli lutte avec sa commotion, demande en bafouillant. « Qu’est-ce que tu veux? » « Que tu m’entretiennes. » Justine décrète, fière. Vanessa tousse sèchement. « Que tu nous entretiennes, ‘scuse. » Oli émerge doucement, a de la difficulté à parler sans que sa tête ne veuille pas exploser. « Qu’est-ce que j’ai en échange? »
« Tu continues de respirer, contrairement aux autres. »
Que Justine offre une porte de sortie à Oli ne plaît pas du tout à Vanessa.
« Le plan c’était qu’on les tue tous les deux. »
« Le plan évolue, c’est normal. Y’a des dommages collatéraux. »
« Non, c’est non-négociable. Il meurt comme les autres. »
« Mais - »
« Criss j’ai tué Jee pis Phil tu peux bien faire ton esti de part Justine. »
Elles oublient momentanément qu’Oli assiste à leur dispute. C’est tout ce dont il a besoin pour voir une brèche, pour tenter de s’y faufiler, pour essayer de causer plus de tort entre elles. Ce sont des femmes, après tout. « Vous avez pas l’air sur la même longueur d’ondes. »
« On a pas besoin de ton avis. » Vanessa est sèche.
« Juste de l’argent de tes parents. » Justine, en s’entendant le dire, réalise à quel point elle allait retomber dans le piège des beaux grands yeux bleus d’un Oli qui finit toujours par avoir ce qu’il veut. « Sais-tu quoi, finalement, on est pas pires sur la même longueur d’ondes. »
Il ne faudra qu’une taie d’oreiller, un reste des cordes de René et une bonne poigne pour que Justine suffoque Oli entre ses cuisses. Oli s’obstine, évidemment. Ça ne l’empêchera pas de manquer d’air sous les bons soins d’une Justine qui chantonne le dernier hit de Madonna à son oreille. Vanessa jubile de voir son amie à l’oeuvre, espérant que les dernières pensées d’Oli restent qu’elles sont bel et bien des ostis de folles.
« Allô? » la voix de René les fait sursauter, elles qui sont maintenant allongées dans le lit familial côte à côte les doigts enlacés. Elles fixaient le plafond, s’imaginant redécorer le chalet familial à leur goût une fois qu’elles auront tué les parents, les oncles, les tantes, les cousines et les cousins, les voisins -
Les voisins. René.
Justine se redresse, Vanessa l’imite.
Sur leurs joues, leurs bras, les mains et leurs cuisses, elles s’assurent de passer la lame du canif qu’elles ont volé dans la remise. Pour un peu plus de réalisme.