Confessionnal de Jean-Daniel, jour #18, aube
« J’ai échangé de la crypto avec Gilles pour qu’il nous donne la clé des menottes 1 heure par jour. Y’a rien dans mon contrat qui l’interdisait. »
Confessionnal de Mathieu, jour #18, heure du lunch
« La vue du cockpit sur la Terre est vraiment belle. »
Confessionnal de Philip, jour #18, au réveil
« On va sur un p’tit trek en nature aujourd’hui! Ça va tellement faire du bien. »
Confessionnal de Justine, jour #18, un peu n’importe quand
« Caliss. »
Mathieu et Samuel - jour 18
Le vaisseau a été heurté. Par une espèce d’affaire qui ressemble à une comète mais qui est plus petite et moins en feu. Les spécialistes sauraient sûrement comment décrire avec précision et clarté ce qui a cogné la carlingue et démoli une partie assez importante pour que Samuel et Mathieu se précipitent, dans leurs vêtements d’astronautes, dehors.
S’en est suivi d’une série d’actions qu’ils semblent comprendre mais que la production regarde avec incompréhension et curiosité. Ils ont tapé à quelque part, recollé un autre panneau. Samuel a pointé une section et a dit des mots intelligents. Mathieu a hoché de la tête puis a tiré profit de l’absence de gravité qui l’entoure.
Quelques beaux plans de l’espace, des points de vue impeccables sur les étoiles, les galaxies, les nuages de poussière spatiale. De retour aux gars qui ont l’air particulièrement inquiets. Personne en régie ne réagit. Adrien arrive avec une commande Starbucks pour la vingtaine d’employés qui est restée contre leur gré après les heures de boulot. Tout le monde l’acclame.
Samuel et Mathieu donnent l’impression d’avoir survécu à la mort plusieurs fois lorsqu’ils reviennent dans le vaisseau. Un élan de survie les fait s’arracher leurs combinaisons de sur le dos. S’arracher la langue, s’arracher la peau.
Les mains de Samuel font de Mathieu de l’argile qu’il enfonce avec violence.
Les doigts de Mathieu déchirent le cou de Samuel.
Le vaisseau est plongé dans le silence. Ils grognent contre leur chair bouillante.
Samuel, bestial, tourne avec rage Mathieu dos à lui et détruit ce qui reste de tissu contre son corps. Tous leurs muscles sont bandés.
La production coupe l’image et passe en transition musicale à Vanessa et Jean-Daniel.
Vanessa et Jean-Daniel - jour 18
Elle voulait seulement aller chercher du lait pour leurs céréales. Elle n’allait pas faire de caprice. Du lait de vache, d’amande, d’avoine, de soya, n’importe quoi. Ses intolérances et sa passion pour le sans gluten n’ont pas encore pris racines dans le bunker.
Lorsque la porte de l’immense réfrigérateur s’est refermée derrière elle, Vanessa n’a même pas cédé à la panique comme elle l’aurait fait dans la villa. Au contraire, les happy pills sur lesquelles elle surfe depuis presque une semaine rougissent ses joues et allègent son coeur.
Jean-Daniel finira bien par remarquer son absence. Il était si fier de leur avoir négocié une heure de liberté sans menottes en échange d’un deal avec Gilles. La production l’a trouvé intelligent. Vanessa encore plus.
Il va remarquer, c’est sûr.
Philip, Catherine, Geneviève, Charles - jour 18
Catherine a les mains bleues. Du jus des petits fruits qu’elle et les trois autres ont dévorés avec l’appétit du conquérant. Geneviève a remarqué le buisson, pendant l’une de leurs petites balades dans la jungle. Exactement comme des bleuets sauvages, mais plus sucrés et savoureux.
Un goût riche que Philip a dégusté les yeux brillants. Même Charles s’est laissé tenter, lui qui jurait encore la veille qu’il ne ferait pas confiance à la nature qu’Adrien avait déployée autour d’eux pour le bien de leur Apocalypse.
« Oh non. »
Geneviève s’interrompt à même sa bouchée. Elle vient de remarquer la forme des feuilles à la racine de l’arbuste qu’ils ont dévalisé de ses fruits.
De petites dents pointues = tout va bien, on peut consommer.
De petites dents carrées = tout va mal, on va crever.
« C’est pointu ou carré, pour vous, ça? »
Justine et Clara - jour 18
Justine s’arrête dans son élan, elle a certainement mal vu. C’est impossible si tôt, c’est précipité. Adrien n’aurait jamais laissé ça arriver.
Ce n’est même pas une question de côtes d’écoute ou de likes sur les réseaux sociaux. À trois jours d’Apocalypse, personne ne se retrouve aussi mal en point. Un peu de bagarre, quelques blessures superficielles, une frousse. Rien de plus. Il leur reste encore trois mois à survivre.
Impossible.
Mais une morsure, profonde, et qui s’infecte aussi vite?
Clara gît entre les bras tremblants de Justine.
Elles ont trouvé une cachette, un sous-sol de vieux bar de quartier. Elles seront tranquilles. Clara lutte entre le sommeil, la fièvre, et la mort. Justine presse la chair mordue de Clara, tente de voir si du poison va en sortir, si elle peut guérir la potentielle future femme de sa vie.
Déjà, la peau devient bleue et dégueulassement puante.